Jean-Paul II : un saint de la famille

jpiiSaint Jean-Paul II, tout simplement « un géant de notre Eglise » pour reprendre une expression que la sœur Sylvia Reechi, mon mentor de regrettée mémoire, affectionnait bien. Avant de donner quelques aspects centraux de son pontificat, voici des anecdotes qui illustrent sa profondeur spirituelle (elles sont rapportées dans l’excellent ouvrage du père Daniel-Ange : « Rire et pleurer avec Jean-Paul II : fioretti authentiques »).

Un jour, Jean-Paul II est en prière lorsque son secrétaire l’interrompt : « Saint père une affaire de grande importance requiert votre attention ». Le pape lui répond : « Vous dites de grande importance ? » « Oui », reprend le secrétaire. « Alors prions ! », lui lance le pape l’invitant à prier avec lui, comme pour lui dire que le point de départ pour résoudre une affaire importante c’est la prière ! Une autre anecdote : en compagnie du président Houphouët Boigny dans l’hélicoptère qui les amène à Yamoussoukro pour l’inauguration de la Basilique Notre-Dame de la Paix, Jean-Paul II se met à réciter le chapelet. Alors que le président ivoirien veut plutôt l’entraîner dans une toute autre conversation Jean-Paul II lui lance : « Vous ne priez pas le chapelet » ? D’une certaine manière le pape lui rappelait ainsi le sens qu’avait pour lui la Basilique dédiée à Marie : pas une bâtisse splendide, mais un lieu de rencontre avec Marie. Enfin, dans les archives des services secrets polonais, on a retrouvé cette fiche : « Parmi le clergé local, l’abbé Wojtyla est considéré comme ayant un exceptionnel bon cœur : il n’a jamais rien à lui, car il donne tout aux pauvres. »

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Jean-Paul II arrive à un moment trouble de la vie de l'Église. Le Concile Vatican II et surtout l'Encyclique « Humanae vitae » de Paul VI sur la régulation des naissances ont révélé de graves fractures dans l'Église sur les questions morales. En effet, dans les années 60, des pasteurs et des laïcs rejoignent le mouvement de sécularisation qui défend l’ouverture de l’Eglise à la mentalité contraceptive, ce à quoi Paul VI s'oppose avec cette encyclique. Le bref pontificat de Jean-Paul 1er augmente à l’angoisse. Mais très rapidement, Jean-Paul II redonne à toute une génération de jeunes la fierté et la joie de porter la lumière du Christ dans le monde: « N'ayez pas peur », lance-t-il, une formule restée dans l’histoire. Avec les JMJ qu’il inaugure, moments d’intense communion du pape avec les jeunes, il s’emploie à former une génération de chrétiens débout. Il a réussi son pari, car la « génération Jean-Paul II » n’est pas une fiction : c’est bien celle qui résiste aujourd’hui aux dérives de notre époque.

Saint Jean-Paul II s'opposa à ces dérives, certain que l’Eglise était la « derrière frontière morale ». Il qualifia l'avortement de « crime abominable qui crie vengeance devant Dieu ». Il nous a laissé l'encyclique « Splendeur de la vérité », une œuvre de grande portée qui déconstruit tous les présupposés du relativisme et du subjectivisme.

Si son travail pastoral est immense (visite de 104 pays, une première pour un pape), son œuvre intellectuelle est tout aussi gigantesque : 14 encycliques, 15 exhortations apostoliques, 42 lettres apostoliques, sans oublier la promulgation du Catéchisme, ainsi que du Code de droit canonique.

Cependant le legs le plus décisif du Jean-Paul II au monde se trouve sans doute dans le domaine de la famille. Le premier Synode qu'il convoque (1980) porte sur ce thème. Ce Synode donnera un des textes majeurs de l'Eglise sur la famille : « Familiaris Consortio ». Jean-Paul s’emploie à approfondir la nouvelle vision théologique du mariage esquissée par Vatican II. La trame de fond de son travail est la dimension personnaliste du mariage, celle qui le reconnaît non pas seulement comme une institution pour procréer, mais comme le lieu de réalisation du bien personnel dans l'amour. L'un des apports notables de Jean-Paul II a été de dépasser la frilosité qui a parcourue l'histoire de l'Eglise sur le corps et la sexualité. A travers son cycle de catéchèses sur l'amour humain (plus de 800 pages d'enseignements), il montre que le corps doit signifier l'amour des époux (il affectionne bien l’expression « amour sponsal »). Ce n’est finalement pas par hasard que Jean-Paul a été consacré saint de la famille.

Rendons hommage à cette grande figure de l'Église. Poursuivons le travail d'appropriation et de réception de son œuvre, notamment ses catéchèses sur l’amour humain systématisées dans une nouvelle discipline théologique : la « théologie du corps ». Demandons enfin son intercession pour qu'il continue de défendre la famille. Saint Jean-Paul II, priez pour la paix et la joie dans les familles.

François Ossama

Foi